Réponse à canopée

Lettre ouverte à Sylvain Angerand:

Après avoir lu le courrier que vous avez publié sur internet au nom de l’ONG « Canopée », je viens vous informer que je suis complètement outré. La forêt française traverse une crise, et il faut réagir. Avec le changement climatique et la multiplication des crises sanitaires, les dépérissements sont inévitables dans certaines régions. Tout le monde doit savoir que les essences actuellement présentes ne seront plus viables demain. Que propose Canopée pour remplacer les arbres sans passer par une coupe rase ?
Image d'illustration

La filière bois n’a pas besoin de vos conseils pour apprendre des erreurs du passé. Il y a quelques décennies, la politique nationale était orientée vers l’épicéa, dont les plants étaient même offerts par l’état. De trop grandes surfaces en monoculture dans des zones où il n’était pas adapté sont actuellement victimes des scolytes. Il n’y a d’autre choix que de raser complètement les parcelles en question.

Vous vous attaquez à « Alliance Forêts Bois » comme si il s’agissait d’une multinationale, alors que ce n’est qu’une coopérative de propriétaires forestiers ! Les petites coopératives ont été fusionnées il y a quelques années pour mutualiser les moyens d’entretien et faciliter les ventes, car avec plus de volume, il est plus facile d’être visible.

Vous pensez que les subventions et partenariats sont donnés sans aucune obligation et sans aucune contrepartie. C’est factuellement faux, les règles ne se limitent pas au code forestier. Que ce soit pour une subvention ou une compensation carbone, n’y sont éligibles que les reboisements de parcelles agricoles, les dépérissements et les impasses sylvicoles. De plus, il faut qu’aucune coupe n’y ait été faite depuis plus de 5 ans, et que la valeur du bois sur pied soit inférieure au montant des travaux. Si demain, vous avez une futaie de chênes plus que centenaires qui meurent sur pied, vous n’aurez aucune subvention ! Je tiens à signaler que dans vos documents, vous parlez d’« impasse sanitaire », vous mélangez deux réalités différentes, l’impasse sylvicole et les crises sanitaires, merci de vous renseigner.

Vos objectifs proposés sont irréalistes, voire néfastes. La sylviculture irrégulière est une belle pratique, mais ne peut pas s’appliquer à toutes les exploitations, à titre d’exemple la populiculture ne se fait qu’en bloc, et vous ne trouverez rien d’autre à planter sur une terre à peuplier. Limiter les coupes rases à une superficie de deux hectares, vous ignorez donc que la première version du plan de relance exigeait une surface minimale de quatre hectares ? Dans le fond, pour une impasse ou un dépérissement de moins de deux hectares, on peut s’en sortir avec un peu de jardinage, sans devoir passer par les grands moyens, ce qui évite au passage les contraintes liées aux subventions. Je tiens à vous signaler que la futaie irrégulière est un équilibre délicat, et que son maintien est tout un art, elle est très sensible au changement climatique. Face aux crises sanitaires, ce n’est pas une solution, voyez par exemple la chalarose du frêne, la mort des arbres entraîne des trouées, où la ronce s’installe, et la régénération naturelle devient impossible. Autre remarque sur la limitation des superficies, une replantation demande un certain nombre d’appareils, les sous-soleuses, les gyrobroyeurs, les récolteuses... l’acheminement des appareils n’est pas sans utilisation de carburant, et entraîne également un tassement des sols. Voulez-vous plus de carbone dans l’atmosphère ? Acceptez-vous d’être responsable de déplacements inutiles ? Prenons une peupleraie de 15 hectares, souhaitez-vous qu’elle soit divisée en quatre blocs ? Là où à l’heure actuelle, il pourrait y en avoir deux ? Souhaitez-vous doubler le nombre de trajets ? Augmenter les coûts de production ? Nuire au bilan carbone ? Sans oublier que la qualité du bois s’en ressentirait.

Vous nous accusez de ne planter que des résineux, outre le fait que l’on ait besoin de bois de résineux, et que les propriétaires ont le droit choisir la qualité de bois demandée par le marché, on retrouve sur climessence 47 feuillus pour 111 résineux, ne pensez-vous pas que c’est parce qu’il y a une raison ? Au passage, quand on commence à planter du cèdre et du sequoia, je doute que ce soit à des fins de production massive. Vous souhaitez obliger à planter plusieurs essences sur les parcelles en reboisement, ignorez-vous que certaines essences ne se plantent qu’en bloc ? C’est le cas bien entendu des peupliers et des résineux, mais également du chêne ! Pour les feuillus compatibles, le but est d’amener des essences qui ne sont pas présentes sur le massif, et les techniciens des coopératives conseillent déjà d’en planter trois et quand il faudra éclaircir, il faudra voir ce qui aura le plus d’avenir. Je regrette également le faible nombre de feuillus disponibles. Sur sol calcaire, avec un déficit en eau et de fortes gelées, le seul feuillu adapté est le chêne du Caucase difficilement trouvable. Si vous en avez le courage, vous pouvez aller au haut karabakh à l’automne pour chercher des glands. Au delà de la boutade, si vous souhaitez favoriser la plantation de feuillus, vous pourriez acquérir quelques parcelles dans différentes zones de France pour y faire des tests d’essences, renseignez-vous auprès de climessences.fr pour savoir quelles essences ne sont pas suffisamment documentés, voir même tester des arbres dont aucune information n’est disponible (je vous conseille le Caucase pour trouver des feuillus qui soient adapté au climat de la France de demain). Pour ce genre de projet, l’OFB est assez ouvert. Je vous mets au défi de trouver trois essences compatibles avec un sol calcaire déficitaire en eau, avec du gel allant jusque -25, gelées précoces et tardives.

Le seuil de 30 % pour chaque essence est déjà contre-productif, si l’on en plante quatre, ça n’est mathématiquement pas possible, en outre, certaines essences comme le sycomore et le châtaigner ont un potentiel invasif qui mérite d’être considéré. L’exclusion compétitive est démontrée, renseignez-vous auprès de l’ONF, qu’ils vous parlent de leur essai dans la forêt domaniale de Réno-Valdieu (Normandie). Il faut aussi savoir que les mélanges d’essences ne protègent pas contre les pathogènes à dissémination très rapide, les dégâts de tempête, et peuvent dégrader le bilan hydrique...

Savez-vous que le propriétaire forestier est responsable du gibier qui sort de son bois ? Donc le nourrissage des sangliers est utile pour ne pas provoquer de dégâts chez les agriculteurs avoisinant. A moins que vous ne souhaitiez l’éradication de la faune sauvage ? Quitte à montrer votre ignorance du sujet, comme souhaitez-vous voir se généraliser la futaie irrégulière, où la mécanisation n’est pas possible, pour gérer la ronce durant la régénération naturelle, me conseillez-vous le garlon où le glyphosate ?

Vous souhaitez interdire les coopératives, de quel droit ? Imaginez-vous qu’un agriculteur sème une culture, et qu’une autre personne vende la récolte ? Vous ignorez ce que sont les coopératives, la récolte doit tenir compte de la vente, séparer les deux est un non-sens. N’accusez pas les coopératives de vouloir planter des résineux, ce ne sont pas elles qui décident, ce sont les propriétaires. De plus, les propriétaires forestiers sylviculteurs ont un numéro de SIREN, et sont donc considérés comme une entreprise.

Tous les ans je vais faire des tailles de formation et de l’élagage en futaie irrégulière, et je vends du bois de chauffage. Entretenir sa forêt est obligatoire, la vente du bois de chauffage est normale et fait partie de l’entretien, votre proposition me l’interdirait ! Votre interdiction concerne-t-elle aussi la société forestière de la Caisse des Dépôts et Consignations (siren : 322019365) ? Sans discuter de leur modèle de gestion forestière, ils seraient obligés de se séparer de leurs forêts, les communes n’auraient pas les moyens de faire préemption sur leurs parcelles, et vous allez donc favoriser l’acquisition par des privés, ce qui est contraire à vos objectifs ! Vous avez l’impression d’être ciblé par un « lobby » car vous « dérangez » et vous pensez que c’est pour vous intimider. D’après vos messages vous entrez sur des parcelles privées sans l’accord du propriétaire, ce qui est une infraction au code rural, et vous calomniez les coopératives, ce qui est aussi attaquable. Plutôt que de chercher le conflit, peut-être pourriez-vous vous renseigner ? Je vous invite à contacter Fransylva et le CRPF

Pour suivre les journées de formations, vous pouvez même le demander aussi au CETEF. Je ne pense pas que Alliance Forêts Bois soit opposée à ce que vous assistiez l’assemblée générale de sa section près de chez vous, pour que vous appreniez ce que sont les coopératives. Je tiens également à vous signaler la sortie d’un ouvrage pédagogique « La petite imagerie : Les travaux de la forêt », édition Fleurus, préparé par France Bois Forêt, contactez les, il vous en offriront un exemplaire.

Voici un petit lien pour une documentation pertinente